Description et histoire du manga

Montré du doigt pendant de nombreuses années en France, le Manga est aujourd'hui considéré comme un véritable phénomène culturel au niveau de la BD et de l'animation. Style à part entière, il a su conquérir le monde entier grâce à sa diversité et ses qualités.

Le mot "Manga" est un mot assez ancien, qui a longtemps désigné un certain type d'images ou d'estampes dont le sujet était considéré comme "frivole" (c'est-à-dire non historique, non légendaire, fait pour amuser). Mais aujourd'hui, ce sens a complètement disparu, et avec lui sa connotation négative. Ce mot désigne à présent l'ensemble de la bande dessinée nippone. Il est souvent associé, à tort, au domaine du dessin animé japonais qui, lui, est rassemblé sous le nom d'Anime.

Qu'est -ce qu'un Manga ?

Le papier est le support original du manga. La plupart des mangas sont d'abord rédigés en noir et blanc puis pré-publiés dans de gros magazines hebdomadaires de 350 pages environ (Shonen Jump...), avec une impression et un papier de qualité médiocre. Chaque mangaka doit soutenir un rythme effréné afin de publier une quinzaine de pages par semaine. C'est pour cette raison qu'ils s'entourent généralement d'une équipe d'assistants pour les aider. Au rythme de 15 pages par semaine, deux mois suffisent au mangaka pour sortir une version regroupée de son manga dans un volume de 200 pages, au format de poche (c'est sous cette forme qu'ils sont traduits en France). Là encore la qualité du papier laisse à désirer mais l'impression reste de qualité. Les grands mangakas sont de véritables stars dans leur pays mais rares sont ceux, comme Otomo ou Toriyama, qui parviennent à le devenir. Les mangas qui rencontrent un certain succès sont en général adaptés en anime et sont diffusés à la TV ou en vidéo (OAV). Elles peuvent bénéficier de doublages excellents selon les "seiyûs" (doubleurs) qui sont recrutés. Il faut savoir que le doublage est un véritable métier au Japon et que les meilleurs seiyûs sont de véritables dieux vivants à l'image de la célèbre Megumi Hayashibara (Lina Inverse, Rei Ayanami, Aï Amano, Faye Valentine, Ranma-chan, Cherry...) Les plus mythiques des mangas peuvent même bénéficier d'une adaptation cinématographique à gros budget qui en font un film d'animation, exporté ensuite à l'étranger. On trouve comme exemples marquants Evangelion, Ghost in the Shell, Akira, Dragon Ball Z ou encore Nausicaä... Toutefois, même si le manga papier est à l'origine de toute la japanimation, il existe de nombreuses séries animées et de nombreux films d'animation originaux.

Genèse d'un genre nouveau

Le manga commence à apparaître après la seconde guerre mondiale et le traumatisme du lâcher des deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, qui reste un thème récurrent dans le manga moderne. Le Japon a perdu son honneur et son identité et se trouve noyé de produits venant d'Amérique. A cette époque, la réalité est devenue trop dure, et les Japonais ne désirent qu'une chose : oublier leur condition actuelle. Le manga en sera alors le moyen adéquat. On ne sait pas réellement comment il est apparu, mais on sait à peu près quand : au début des années 50. Comme dans tout nouveau domaine artistique, le manga a connu un homme, qui y a à jamais marqué son empreinte : Osamu Tezuka. Fasciné par les dessins animés de Walt Disney d'avant-guerre, il a révolutionné la bande dessinée japonaise en y introduisant un contenu particulièrement fort dans un dessin assez enfantin. Toujours là quand il faut, c'est Astro le petit robot !!!
Dans les années 60, il crée une aventure d'un style particulier inspiré des techniques cinématographiques américaines et européennes narrant les aventures d'Astoboy, un petit robot aux yeux gigantesques. Il découpe les cases de manière disparate pour donner plus de rythmes et jongle avec les traits pour donner l'illusion de vitesse: le manga moderne est né ! Père fondateur de la bande dessinée nippone, Tezuka aborde dans ses mangas (Le roi Léo, Astroboy, BlackJack...) des sujets très forts qui ne prendront toute leur dimension que bien plus tard, comme l'écologie, la menace de la pollution, le nucléaire et ses dangers ainsi que l'horreur de la guerre.

Au cours des années 70 arrive une nouvelle génération de mangakas qui va elle aussi bouleverser l'univers du manga, encore balbutiant. Dans cette génération se détache particulièrement un homme : Gô Nagai, qui introduisit dans des mangas considérés comme grand public une violence très forte et beaucoup de sexe, de manière comique ou lugubre. Etant l'un des premiers mangakas à oser affronter la censure alors très puissante au Japon, il a donné au manga une liberté de ton encore jamais atteinte. Ses oeuvres (Devilman, Violence Jack, Cutey Honey...) ont inspiré plusieures générations de mangakas pendant plus de 25 ans et encore aujourd'hui. Il est également le génial inventeur de la trilogie des Mazinger (des robots géants pilotés de l'intérieur par des humains). Dans cette trilogie, il faut savoir que la dernière série, nommée Grendizer, si elle est passée quasiment inaperçue au Japon, a eu un impact extrêmement important sur les Français, puisqu'il s'agit tout simplement de Goldorak, la série qui a fait découvrir l'anime aux Français, et dont le succès a été tel que le dessin animé japonais a dominé les programmes pour enfants pendant presque 15 ans !

Démocratisation du Manga

Grendizer alias Goldorak, pionner de l'anime en France Le début des années 80 a vu l'explosion du manga sur l'archipel. Le nombre de mangakas a énormément augmenté, et avec lui le nombre de titres sortis par an. Devenu un véritable phénomène de société, le manga n'est plus simplement un moyen de raconter des histoires, mais aussi une méthode d'apprentissage, et on trouve des mangas pour apprendre la cuisine, les langues étrangères, le sport, la religion...! Quand au manga "classique", il s'est énormément diversifié et s'est divisé en catégories. Chaque tranche d'âge, sexe et même catégorie socio-professionnelle possède son type de manga, dont le dessin et le motif narratif sont codifiés de façon à appartenir à la catégorie voulue. Les principaux genres sont le "shônen" manga ou "manga pour garçons" dans lequel les histoires contiennent souvent beaucoup de sang, où l'on n'hésite pas à dénuder de jeunes filles en fleurs et où les planches sont chargées de détails. Dans ce type de manga, on trouve des oeuvres comme Dragon Ball, Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque), Kenshin le Vagabond, Dragon Quest (Fly)...
On oppose souvent ce type de genre au "shôjo" manga ("manga pour filles") dans lequelle dessin est beaucoup plus épuré, rempli de voiles translucides et de longues capes volant dans le vent, où les personnages sont très longilignes, les yeux gigantesques, les garçons presque androgynes, les histoires très romantiques, avec des filles à la fois fortes et fragiles, et surtout des coiffures pas possibles. Parmi les mangas de ce type, on retrouve Candy, toutes les magical girls à commencer par Minky Momo (Gigi), Sailor Moon, les studios Clamp (Sakura, X)... Ce type de manga est quasiment le domaine réservé des filles mangakas qui ont commencé à apparaître vers le milieu des années 70. Enfin, il ne faut pas oublier deux genres très populaires: le yaoi, manga homosexuel romantique et le hentaï, manga érotico-pornographique disposant de la variante doujinshi (parodie érotique)...

Japanimation dans l'hexagone

En France, l'apparition du manga se situe dans les années 60 à une époque où la bande dessinée est déjà assez mal vue, par l'intermédiaire d'un magazine dont seuls sortiront 6 numéros: le "Cri qui tue", proposant diverses histoires courtes sous formes de feuilletons. Mais le manga papier devra attendre son heure car de 60 à 90, les diverses tentatives des rares éditeurs désireux de lui faire pénétrer le marché français se révèleront être des échecs cuisants. C'est par un autre média que les mangas se révèleront en France: la télévision. Dès la fin des années 70 apparaissent sur les écrans français de la Cinq et d'A2 des dessins animés venus du Japon reprenant tantôt des mangas inconnus en France (Goldorak, Candy, Albator) tantôt des romans ou séries célèbres (Rémi sans Famille, Belle et Sebastien...) Le succès est immédiat et le jeune public devient rapidement fan de ce genre de programme. Très vite, les diffusions s'accélèrent et les cases horaires pour enfants se multiplient. Les années 80 verront apparaître les meilleurs classiques japonais sur la télévision française: Capitaine Flam, Cobra, Captain Tsubasa (Olive et Tom), Maison Ikokku (Juliette je t'aime), Cat's Eye, Usurei Yatsura (Lamu), Ken le Survivant, Kimengumi High School (Collège fou fou fou)
ou encore Dragon Ball. Mais les chaînes françaises commettront toutes une erreur à l'origine d'ennuis qui entraîneront plus tard la mort des diffusions de DA japonais dans l'hexagone: celle d'adresser tous les animes sans distinction à une tranche d'âge de 6-12 ans. Celà aurait pu passer inaperçu si le CSA n'avait pas décidé de surveiller les diffusions. Donc, afin de coller à leur supposé public, les traductions sont simplifiées, bâclées, détournent le sens original ou sont carrément censurées. Personne ne comprit jamais à l'époque les contre-jours dans Ken, les love-hotels devenus des Dragon Ball Z, la série controversée
restaurants végétariens dans Nicky Larson ou le saké qui devient du jus de pomme et l'ivresse un état d'ébriété dû à trop de sucre dans le sang dans Juliette je t'aime... De même, des séries considérées sur l'archipel "pour adultes" sont exposées à des enfants pas en âge ni en état de les comprendre: "Cutey Honey" (Cherry Miel) ou "Ken le Survivant" sont rapidement retirés de l'écran et les traductions se font beaucoup plus épurées, ainsi les insultes présentes dans "Les Chevaliers du Zodiaque" ou dans "Dragon Ball" sont traduites par des "Tu vas voir !!", "C'est impossible !!" ou autres "Zut alors !!!"....
Il n'est pas surprenant que dans cette atmosphère de censure, l'anime soit montré du doigt, accusé de corrompre la fine fleur de la jeunesse française d'autant qu'à la fin des années 80 apparaît sur TF1 le Club Dorothée, très controversé de par son contenu mièvre et ses programmes nippons. Très vite le mot est lâché: les dessins animés japonais, ce ne sont que du sexe ou de la violence. Ce terrible préjugé causera la mort de l'anime en France avec la disparition brutale du Club Dorothée en 1997. Les diffusions se poursuivront sur le câble pendant un temps mais actuellement, le renouveau est peut-être en bonne voie après le retour de la japanimation sur les chaînes françaises (Pokemon, Digimon, Sakura, Evangelion, Cowboy Bebop...)

Grand chamboulement au rayon BD

Le manga papier, lui, a mis plus de temps à trouver son public dans l'hexagone. Malgré quelques "one-shots" de qualité ou autres parutions cernées du logo "Vu à la TV" (Candy, Astro), le manga fait encore peur à la majorité d'un public trop fidelisé à la BD franco-belge. C'est Glénat qui sera le premier éditeur à se donner les moyens de lancer le manga en France avec la parution de Akira en 1990 qui, avec un peu de temps va porter ses fruits et faire de ce manga une oeuvre reconnue par ceux-là même qui ne l'ont pas lue.
Un exemple de l'étendue du phénomène de la japanimation: l'excellent magazine AnimeLand Le succès d'Akira va donner la puce à l'oreille de Glénat qui se jette dans le grand bain en 1994 avec la parution de Dragon Ball et Ranma 1/2 en format poche. Le succès est immédiat (100000 exemplaires vendus pour le tome 1 de Dragon Ball) et ouvre définitivement la voie à l'édition du manga en France. Apparaissent alors d'autres titres connus ou non tels Sailor Moon, Gunnm, Dr Slump, Black Jack, Gunsmith's Cats ou encore Kenshin le Vagabond... Suivront d'autres éditeurs dont seuls ceux qui virent l'exploitation du manga à long terme surent s'imposer. On note alors les echecs de Manga Player, Delcourt et Vent d'Ouest... Mais quelques maisons d'éditions comme J'ai Lu (J'ai Lu Manga), Dargaud (Kana) ou encore Pika parvinrent à sortir des titres de qualités et s'installèrent parmi les éditeurs standards de mangas en France.
Un autre cas est celui de Tonkam, à l'origine un petit magasin parisien spécialisé dans la japanimation, qui connut un succès sans égal avec la parution de titres cultes au Japon mais inconnus en France tels "Video Girl" de Katsura ou "Tokyo Babylon" de Clamp... Il est incontestable que le manga est devenu aujourd'hui un genre de littérature à part entière et constitue une bonne tranche du chiffre d'affaire des éditeurs (25% chez Glénat). Son apparition fut chaotique dans tous les pays qu'il a traversé mais à force de temps, de qualité et de diversité, il a su relancer le moteur de la bande dessinée alors en perte de vitesse et est aujourd'hui considéré comme le reflet d'une culture fascinante qui a ouvert le Japon au monde entier.